Rencontre avec 4 viticulteurs engagés dans la transition écologique
Alors que le festival Bordeaux Fête le Vin présente en 2022 sa version la plus inclusive, la plus désireuse également de valoriser les bonnes pratiques viticoles, nous avons choisi de parler de transition écologique et d’approches alternatives à travers quatre portraits. À tout seigneur, tout honneur nous parlerons de Château Guiraud, véritable ambassadeur de l’agroécologie, nous vous présenterons le Château Haut-Rian et le Château Carsin respectivement incarnés par Pauline Lapierre et Nea Berglung, qui embarquent désormais leurs exploitations à réviser méthodes et philosophie. Enfin Adrien Billotte, directeur du GDON du Sauternais et des Graves, revient sur les missions essentielles de cet organisme méconnu. Des engagements qui s’effectuent à l’échelle d’un territoire tout juste récompensé par le titre de European Capital of Smart Tourism 2022.
Château Guiraud, les pionniers bio
La mythique appellation de Sauternes compte parmi les siens un pionnier ! Le Château Guiraud est le premier des Grands Crus Classées en 1855 à obtenir la certification AB (Agriculture Biologique) en 2011.
Château Guiraud est aujourd’hui un domaine hors du temps ; gastronomique, vinique et historique nimbé de cet éclat particulier que lui confère un lieu dans lequel la biodiversité n’est pas un vain mot. Luc Planty, le directeur d’exploitation, veille avec application sur l’équilibre d’un écosystème érigé ici pour sublimer les vins blancs et initier les nombreux visiteurs du site – 30 000 par an. Une vision agroécologique qui amena à concevoir un potager de 1800 m², aux 500 variétés de fruits et légumes et qui trône en paradis odorifère à proximité des vignes.
En 2022, l’aménagement de la parcelle « Château », devant l’entrée du Château Guiraud représentera une étape importante dans la préservation de la biodiversité avec un projet d’agroforesterie à grande échelle.
En association avec 15 autres exploitations, Château Guiraud a créé en 2001 le premier conservatoire de cépages blancs du Bordelais. L’intérêt affiché : préserver la mémoire historique des cépages du Sauternais, entretenir la diversité génétique des cépages blancs, assurer la qualité des vins et définir les profils organoleptiques des cépages. Le conservatoire comprend plus de 135 souches de Sémillons et de Sauvignons blancs, cépages emblématiques du Sauternais. Pour Guiraud nous pourrions inventer la notion de vigneron total !
Château Guiraud
33210 Sauternes
accueil@chateauguiraud.com
Château Carsin, la polyculture pour donner du sens
Nea Berglund porte à travers son accent joyeux un peu de cette Finlande lointaine et terre natale mais les inflexions et expressions la situent bien ici en terre viticole girondine.
Château Carsin, dans l’appellation Cadillac Côtes de Bordeaux, sur les hauteurs de Rions, est un bout de paradis vigoureusement préservé par la famille Berglund, depuis 1990 ! Une fois installé dans cet environnement préservé, il était hors de question de galvauder un si beau capital, impossible de ne pas appliquer dès 2003 les principes et les méthodes de l’agriculture bio.
Le château sera officiellement labellisé AB en 2022. On renoue ici avec une polyculture paysanne, l’agroforesterie. Le domaine compte un verger de 110 arbres, dont des vieilles espèces d’abricotiers, un potager avec lequel elle approvisionne quelques restaurateurs locaux. Des ruches viendront rapidement compléter le paysage viticole de 18 hectares.
Un gîte, des événements autour de la gastronomie scandinave, des concerts complèteront une offre tout à fait plurielle. La jeune femme souhaite avant tout raconter un métier, une agriculture sensible et écologique, elle veut également casser les codes d’une filière parfois trop peu inclusive et inviter en toute simplicité les gens à venir tels qu’ils ou elles sont. Elle ne se voit plus dans les seuls habits de vigneronnes car, dit-elle, la quête de biodiversité ne s’arrête jamais !
Château Carsin
197 Route des Côtes
33410 Rions
info@carsin.com
Château Haut-Rian, une démarche réconciliante
Pauline a repris le flambeau de la Maison Dietrich en Cadillac Côtes de Bordeaux. Le père alsacien installé à Rions a légué un incontestable savoir-faire de faiseur de blanc sec jamais démenti. Il restait désormais à la jeune femme à s’aventurer sur les nécessaires chemins de la conversion bio. Il lui fallait sûrement également plonger un peu plus les racines de sa production dans les sols et sous-sols vivants, afin de réveiller les grands sémillons de cette rive droite.
Avec l’acquisition des Coulous, parcelle en AB sur des coteaux argilo-calcaires surplombant la Garonne, la jeune vigneronne a fait naître un laboratoire de bonnes pratiques à ciel ouvert, ne s’interdisant pas, un jour, de pousser le curseur jusqu’à la biodynamie. Pauline s’entête et convertira l’ensemble de son vignoble. La question des couverts végétaux est au centre de ses réflexions, elle suit pour cela une formation avec Konrad Schreiber¹ et Alain Canet². Avec l’association Big Impact³, l’engagement ne s’arrêtera pas au cahier des charges aussi contraignant soit-il de la bio. La jeune viticultrice cherche aujourd’hui à donner du sens à un métier que la déconfiture guette.
A Paillet, Big Impact est à l’origine de la plantation de 1200 arbres pour 1200 habitants. Dans les exploitations des communes voisines : 200 000 arbres seront plantés d’ici la fin 2022. Pauline souhaite réconcilier les populations avec les agriculteurs à travers des initiatives qui font sens et donner une dimension sociale à sa démarche.
¹ Agronome, spécialiste des sols vivants, co-fondateur de Ver de terre Production et de La Vache Heureuse
² Agronome et agroforestier, directeur d’Arbre et Paysage
³ Association qui propose des services d’ingénierie pour aider à agir concrètement au sein des quartiers, villages, exploitations.
Château Haut-Rian
La Bastide
33410 RIONS
05 56 76 95 01
bonjour@vinspaulinelapierre.fr
GDON, les arpenteurs des vignes
La mission d’un GDON (Groupement de Défense contre les Organismes Nuisibles), rappelle Adrien Billotte le responsable du GDON du Sauternais et des Graves, est de lutter contre la flavescence dorée. Derrière ce nom fleuri se cache en réalité un fléau qui hypothèque la récolte et décime des vignobles. Le vrai coupable est en réalité une bactérie : le phytoplasme dont la propagation s’effectue grâce à un insecte piqueur-suceur : la cicadelle de la flavescence dorée.
Les équipes du GDON sous la houlette d’Adrien effectuent un travail pour repérer les pieds symptomatiques. L’autre moyen de lutte reste un traitement par insecticide. Pour son travail de repérage, l’ancien géographe a vectorisé toutes les parcelles culturales pour avoir via une application dédiée une vraie vision en temps réel de l’état des vignes. Un repérage qui permet de réduire les zones d’applications des insecticides. Adrien souhaite mettre à profit ces temps de prospection pour mesurer la présence des auxiliaires et des ravageurs émergents avec l’aide d’une entomologiste.
Le responsable du GDON rappelle d’ailleurs que le Sud Gironde est une des portes d’entrée des ravageurs dans le vignoble girondin et milite désormais pour établir un poste d’épidémio-surveillance qui permettra également de limiter la taille des zones traitées et l’emploi d’insecticides. En facilitateur, Adrien Bellotte établit un lien essentiel entre les vignerons qu’il côtoie tous les jours et les instituts de recherche, dont l’INRA.
GDON du Sauternais et des Graves
gdonsg@gmail.com
