Les plus belles églises de Bordeaux
Les églises de Bordeaux sont indissociables du panorama urbain. Majestueuses et imposantes, parfois cachées et discrètes au premier abord, elles regorgent pourtant toutes d’innombrables trésors et d’anecdotes historiques. Pour plonger dans le passé lointain de la ville ou vous émerveiller devant leurs somptueux décors, il suffit de lever le regard et pousser leurs portes. Suivez-nous pour découvrir la ville, d’église en église, et plongez dans les coulisses de sept édifices aussi emblématiques que surprenants.
Église Saint-Pierre
Où ? Place Saint-Pierre
Époque ? 15ᵉ - 16ᵉ - 19ᵉ siècles
Style ? Gothique dit « tardif » ou gothique flamboyant
L’église Saint-Pierre est établie sur les boues de l’ancien port antique, à l’embouchure du ruisseau de la Devèze, une rivière souterraine qui file aujourd’hui sous la rue du Cancéra. Elle s’ouvre sur la place par un portail du milieu du 15ᵉ siècle décoré par de délicates statues d’anges, de prophètes et d’apôtres. Dans la partie droite, Saint-Jacques le Majeur, reconnaissable par son chapeau à large bord, orné de la coquille, signe de ralliement des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle nous montre de sa main droite le chemin…
À l’intérieur, trois nefs gothiques transportent le visiteur vers le chœur restauré et éclairé par de hautes fenêtres de style flamboyant. Ces verrières du maître bordelais Joseph Villiet (1823-1877) proviennent de l’ancienne chapelle de l’hôpital Saint-Jacques, rue du Mirail. Ces vitraux sont consacrés à la Vie de Saint-Pierre et l’Assomption de la Vierge. Une clef pendante polychrome représente l’apôtre Saint-Pierre tenant dans sa main droite la clef du paradis.
Curiosité de cette église : des éléments provenant d’un retable baroque démonté du 17ᵉ siècle décorent l’abside et les nefs latérales : les statues de Saint-Pierre et Saint-Paul, un panneau en bois doré représentant Le Père Eternel et une toile peinte par Pierre Nantiac en 1664 Jésus remettant les clefs de l’Eglise à Saint-Pierre (dans les fonds baptismaux). Près de l’église, en 1832, fut découvert le célèbre Hercule de Bordeaux en bronze visible dans les collections du musée d’Aquitaine.
Église Saint-Paul-François-Xavier
Où ? Rue des Ayres
Époque ? 17ᵉ siècle
Style ? Jésuite
Architecte ? Mathurin Biziou
En 1662, les jésuites achètent les bâtiments et dépendances de la « mairerie ». Un nom étrange qui désignait la résidence du maire, autrement dit son logement de fonction. C’est à cet emplacement que fut construit cet édifice achevé en 1676, une des plus grandes églises jésuites françaises et première du monde à porter le nom de l’évangélisateur de l’Orient.
Sa façade répond aux schémas des églises de cette compagnie, à savoir un rez-de-chaussée rythmé par des pilastres corinthiens et, au second niveau, des ailerons et fronton triangulaire. L’intérieur reflète la même rigueur : voûtes d’arêtes, arcades, hautes baies inscrites dans les murs, chapelles communicantes. Une coupole devait surmonter la cinquième travée.
La décoration intérieure est unique ! La Merveille se trouve au fond de la nef : un retable précédé par un baldaquin soutenu par des colonnes de porphyre conçu par le Bordelais Pierre Vernet précède le groupe sculpté L’Apothéose de saint François-Xavier réalisé par Guillaume Coustou. Le saint est représenté en extase sur un nuage porté par des angelots dans la tradition baroque
Une autre petite merveille vous attend dans le transept où un triptyque est dédié au Miracle de Saint-Antoine à Verceil peint par l’artiste bordelais Emile Brunet en 1923.
En 2006, le sculpteur Jean-François Buisson imagine un lustre monumental de fer et de verre pour illuminer la croisée du transept. Comme des encensoirs, de larges coupelles naviguent autour d’une sphère.
Curiosité de l'église : dans une cour du couvent des dominicains, sur le flanc gauche de l’église, se cache un vestige de la « mairerie ». Montaigne y séjourna lors de son mandat. De cette époque, une tour haute de 15 mètres éclairée par des baies géminées s’élève au milieu d’immeubles sans caractère. Dans la première cour, une galerie sur trois niveaux est un des rares exemples d’architecture civile de la Renaissance.
Église Notre-Dame
Où ? Place du Chapelet
Époque ? 17ᵉ siècle
Style ? Baroque et classique
Architecte ? Pierre-Michel Duplessy
La chapelle et le couvent des Dominicains situés au Moyen Âge en bordure des allées de Tourny furent rasés en 1678, car dans la zone de tir du château Trompette. Les travaux de reconstructions du couvent se poursuivirent jusqu’en 1707. Pendant la Révolution, l’église perdit son vocable de Saint-Dominique et devint le Temple de la Raison et de l’Être Suprême.
Sa façade richement ornementée s’organise autour d’un avant-corps central encadré par deux ailerons à volutes. Obélisques, pots à feu, boules, colonnes et pilastres corinthiens accentuent sa verticalité dans un mouvement d’élévation propre au style baroque. Sa richesse est renforcée par un décor abondant de bas-reliefs, statues, motifs ornementaux. Au-dessus de la porte d’entrée, un bas-relief représente la Vierge remettant le rosaire à Saint-Dominique encadrée par les statues en pied des docteurs de l’Église (saints Ambroise, Grégoire, Jérôme et Augustins) refaites en 1867 par le sculpteur bordelais Edmond Prévôt.
À cette surabondance de sculptures s’oppose un intérieur à l’architecture sobre : la nef à vaisseau unique est bordée par une succession de chapelles latérales. Seule la stéréotomie virtuose du buffet d’orgue avec ses encorbellements, ses balcons sur trompe et ses grilles en fer forgé apportent un effet ostentatoire.
Le mobilier est un des plus homogènes et des plus somptueux des églises de la ville : frère Jean-André signe la plupart des peintures dans les chapelles ; Jean-Baptiste Péru sculpte en 1751 le magnifique maître autel en marbre blanc ; les grilles en fer forgé du serrurier bordelais Jean Moreau montrent une remarquable maîtrise de l’art de la ferronnerie.
Les peintures murales de Raymond Caze, (un élève d’Ingres), ornent superbement les murs du chœur. Sur le flanc droit de l’église s’étend une partie de l’ancien couvent des dominicains dont le cloître et la salle capitulaire.
Basilique Saint-Michel et sa flèche
Où ? Place Duburg
Époque ? 14ᵉ - 15ᵉ - 16ᵉ siècle
Style ? Gothique flamboyant
Architecte ? Jean Lebas
Cette grande église dédiée à l’archange Saint-Michel est une des plus vastes de Bordeaux. Elle renferme une étonnante densité d’œuvres d’art grâce au financement des bourgeois du quartier, mais surtout des corporations qui élevèrent quatorze chapelles le long des bas-côtés de l’église. Parmi les bienfaiteurs, on trouve des merciers, des couvreurs, des marins, des mesureurs de sel, des pèlerins, des charpentiers et des marchands.
La statuaire est riche : une piéta du 15ᵉ siècle, une déposition de croix, la statue de Sainte-Ursule et des onze mille vierges, sans oublier le retable de la chapelle Saint-Joseph incrusté de plusieurs panneaux d’albâtre, eux aussi de la fin du 15ᵉ siècle.
L’ensemble des vitraux, soufflés par les bombes de la dernière guerre, ont été remplacés dans les années 50-60 par les mains de Max Ingrand et Gérad Lardeur. Mille caresses bleu, rouge et orangées fusionnent pour le plaisir des yeux !
Curiosité de l'église : la Flèche et les momies
Attention : La flèche est actuellement fermée pour travaux (durée : 5 ans)
Bâtie du 14ᵉ au 16ᵉ siècle, la basilique Saint-Michel de Bordeaux partage avec la cathédrale Saint-André la particularité d’être dotée d’un clocher indépendant du sanctuaire. Sa flèche fut édifiée à la fin du 15e siècle sur un ancien charnier "le carney de Sent Miqueu" où furent installées en ronde macabre à la fin du XVIIIe siècle des momies exhumées du cimetière situé à l’entour.
Par leurs figures crispées, ces corps desséchés hanteront longtemps l’imagination des bordelais et des touristes. Ces momies (elles étaient près de 70) ont attiré des milliers de visiteurs, dont quelques écrivains illustres, comme Victor Hugo, Gustave Flaubert, Théophile Gautier ou plus près de nous Ferdinand Céline. On pouvait voir « L’enterré vivant », « la famille empoisonnée par les champignons », « L’africaine », un général tué en duel, etc.
Cette ronde macabre prit fin en 1990. Un audiovisuel reconstitue la genèse de cette exhibition dont beaucoup de Bordelais ont gardé le souvenir.
Église Sainte-Croix
Où ? Place Renaudel
Époque ? 11ᵉ - 12ᵉ - 19ᵉ siècles
Style ? Roman et néo-roman
Dimensions : 56 m x 18,45 m
Le Saint-Germain-des-Prés bordelais disent certains auteurs… À l’instar du quartier parisien tout le quartier est construit sur l’emprise d’un grand monastère fondé à la fin du 10ᵉ siècle : l’école des Beaux-Arts sur les anciens bâtiments conventuels, le théâtre du port de la Lune au nord sur l’ancien cimetière et le conservatoire Jacques-Thibaut sur le potager des moines…
Malgré les transformations réalisées en 1860 par un architecte plutôt conservateur, la façade occidentale de cette église témoigne de l’apogée du monastère bénédictin fondé près des berges vaseuses de la Garonne. Un programme iconographique très animé déroule les thèmes traditionnels des vieillards de l’Apocalypse, les travaux des mois, les signes du Zodiaque et les surprenants Tireurs de corde.
D’autres authentiques vestiges de cette importante abbaye sont visibles dans les constructions modernes : la belle fontaine du jardin des moines s’appuie toujours sur le morceau d’enceinte de la ville et une galerie du 17ᵉ siècle sert de rez-de-chaussée à l’école des Beaux-Arts.
De l’austérité de son intérieur, quelques œuvres d’art surgissent de l’ombre : deux toiles de Guillaume Cureau, l’une représentante Saint-Maur guérissant un paralytique, l’autre Saint-Mommolin apaisant un possédé (1647).
Le chef-d’œuvre de cette église est incontestablement l’orgue de Dom Bedos de Celles, construit en 1748 avec son buffet rocaille polychrome restauré en 2001.
Curiosité de l'église : en autres trésors, l’église Sainte-Croix abrite les reliques de Saint-Mommolin – alias Mommelin ou Mont-Molin. C’est sur le tombeau de ce saint guérisseur que les malades mentaux gagnaient une lucidité retrouvée. L’affaire n’avait rien d’une médecine douce : dix prières quotidiennes pendant onze jours et onze nuits pendant que les « fous furieux » jeûnaient au pain et à l’eau, enchainés au tombeau à toutes fins utiles.
Cathédrale Saint-André
Où ? Place Pey-Berland
Époque ? 11ᵉ - 13ᵉ - 14ᵉ - 16ᵉ siècles
Style ? Gothique rayonnant
Architecte ? Jean Deschamps
La cathédrale Saint-André n’a pas les dimensions des grandes cathédrales d’Ile-de-France comme Amiens, Chartres ou Reims, cependant son aspect hétérogène a quelque chose d’inattendu et de singulier. Consacrée en 1096 par le pape Urbain II, ses murs ont vu en 1137 le mariage d’Aliénor d’Aquitaine et de Louis VII, le futur roi de France, puis, cinq siècles après, l’union d’Anne d’Autriche et Louis XIII.
Pendant la Révolution, elle deviendra un magasin à fourrage… triste destinée pour ce monument qui eut à subir un incendie dévastateur au 19ᵉ siècle. Si bien que son mobilier fut reconstitué avec les dépouilles d’autres églises paroissiales.
Au 19ᵉ siècle, l’architecte Paul Abadie construit des sacristies sur l’ancien cloître gothique démoli lors des travaux de dégagements de l’édifice. Isolée de l’édifice, la tour-clocher, construite en 1440 à l’initiative de l’archevêque Pey-Berland, échappe de justesse à la démolition après la révolte de la gabelle. Une grande statue dorée, Notre-Dame d’Aquitaine, est installée au 19ᵉ siècle à son sommet.
Le Portail Royal
Dans une pénombre moins humide qu’elle ne le fut, enserré entre le contrefort « dit de Gramont » et une sacristie du 19ᵉ siècle, s’ouvre le majestueux Portail Royal construit vers 1250 dans la pure tradition des grands chantiers du gothique français de l’Ile-de-France et du Nord.
Depuis plus d’un siècle, les ouvertures avaient été murées, laissant le visiteur dans une impression d’insatisfaction. Elles étaient utilisées au temps où le bâtiment de l’archevêché était collé à la cathédrale. En 2014, les deux vantaux de bois furent installés et un important travail de restauration de la statuaire permit de retrouver quelques traces de polychromie qu’un enduit ocre avait recouvert au 19ᵉ siècle. Le bleu du tympan a pu être conservé et la couleur de certains yeux comme ceux du Christ sont encore visibles. Selon les chercheurs du CNRS, tous les vêtements des personnages devaient être blancs. Seuls les liserés et doublures devaient être en couleur, ainsi que la robe du Christ.
Pour plonger dans la fascinante histoire de cet édifice emblématique, quoi de mieux qu'une visite guidée : Contes & Légendes du Vieux Bordeaux
Basilique Saint-Seurin et sa nécropole romaine
Où ? Place des Martyrs-de-la-Résistance
Époque ? 14ᵉ - 15ᵉ - 16ᵉ siècle
Style ? Romane et gothique
L'Antiquité est présente au cœur de la ville à travers les vestiges du premier cimetière chrétien de Bordeaux, resté en fonction pendant près de quatorze siècles. Inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, la basilique Saint-Seurin est reconnu pour être le plus ancien berceau du christianisme bordelais.
C’est au milieu de cette ancienne nécropole, à l’aube du 6e siècle, que les convertis installent une première église et qu’un sanctuaire souterrain renfermant les pseudo-restes des corps de Saint-Seurin, quatrième évêque de la ville, commencent à attirer de très nombreux fidèles. Un premier et vaste édifice roman agrandi à l’époque gothique fut peu à peu élaboré par les entreprenants chanoines de la collégiale. Ils s’entourent d’un riche mobilier, notamment de plaques d’albâtres qui racontent la légende dorée de Saint-Seurin et de saint Martial, évangélisateur de la province.
Nécropole romaine
La nécropole romaine, située à l’extérieur de l’église près du portail sud, est encore visible sous la place des Martyrs-de-la Résistance. Les fouilles effectuées en 1910 ont mis au jour entre autres curiosités archéologiques, des structures de pierre, un ancien enclos funéraires, des mausolées jadis à l’origine habillés de marbres et décorées de fresques, des amphores décalottées dans lesquelles étaient inhumés des jeunes enfants, des sépultures sous tuiles ainsi que des sarcophages en pierre calcaire et marbre pour les plus puissants.
Curiosité de l'église : À l’attrait scientifique de ces fouilles s’ajoute l’attrait de la légende dorée puisque c’est dans cette nécropole que les cœurs des preux de Charlemagne auraient été enterrés. Ce serait enfin sur l’autel de la basilique Saint-Seurin que Charlemagne aurait déposé l’olifant de Roland en rentrant d’Espagne. L’importance monumentale du cimetière Saint-Seurin, cité à l’égal des Alyscamps d’Arles, est également signalée dans une chanson de geste du 13ᵉ siècle.
Découvrez ce site exceptionnel en compagnie d'un guide conférencier : Le Bordeaux gallo-romain